Les Chroniques de :  Jean-Michel Robert

Guidile, boêtte, menue, rogue et autre appât

Le caboteur Jacobsen du port de Bergen, en Norvège va débarquer 493 futs de rogue, au mois de mai 1950, puis lors d'une nouvelle escale en Mai 1951.

 

Oppien, écrivain romain et auteur des Halieutiques préconisait déjà d’en faire une pâte dans laquelle entraient des lentilles et du vin parfumé de myrrhe. Quant au Grec Léonidas, il suggérait d’y ajouter des feuilles de bettes, car l’odeur plait beaucoup.

Plus tard, bien plus tard à Belle-Ile, on l’appela "menue" à la Turballe et à l'île de Ré? C’était l’affaire des femmes qui recevaient une part de la vente des captures.

Puis sur la côte Atlantique, on utilisa la "Gueldre", "Guidille", ou "Guildive",une pâte pillée de crevettes, de petits crabes et d’alevins de poissons.

Cette Gueldre était récupérée au moyen de petits haveneaux à mailles très fines, traînés ou poussés sur le sable des plages. Une destruction ponctuelle du frai et des alevi

Pêcheuse de l'ile de Ré -  C.P. Avron

 

Devant un tel attrait, les sardines gourmandes avaient peu de chance d’échapper aux mailles des filets.

Avril 1728, le Roi louis XV intervient et porte à la connaissance des populations maritimes : « Faisons défense aux pêcheurs avec quelques sortes de filets de pêcher aucun frai de poisson connus sous les noms de Blanchemélie, menusse, saumonelle, guildre, manne, semence. Il est néanmoins permis d’employer de la résure, ou la rave (La rogue) pourvu qu’elle soit de bonne qualité ».

Chez nous, c’était la boêtte. Puis vient le temps de la rogue Norvégienne importée et tout changea.

1925-1926, le filet tournant (la bolinche) commence à remplacer le filet à nappes droites, mais les pêcheurs ne sont pas tous d'accord on va "ruiner la ressource", par contre les usiniers l'encouragent. Mais un décret de 1937 va totalement l'interdire.

Et puis, c'est le temps de l'occupation allemande et des fortes restrictions de produits pour les pêcheurs, notamment la rogue en provenance des pays Nordiques.

Il faut autoriser la bolinche pour la sardine. Cela implique de ne plus utiliser de rogue. Par arrêté d'avril 1940, on annule tout et on autorise la bolinche. Mais tous les bateaux ne sont pas "bolincheurs". Le matériel est très honereux. Alors les initiatives se multiplièrent.

 

L'usine Bouvais de Concarneau

 

En 1942, l'usine Bouvais de Concarneau propose un mélange hétéroclite de déchets broyés provenant de l'étripage des sardines ou des maquereaux, le tout ajouté à de la farine de poisson ou d'arachides d'une huilerie de Bordeaux, pour bien mélanger l'ensemble, la mixture est recouverte d'eau issue d'une récente saumure.

En janvier 1944, un ingénieur chimiste installé à La Forêt-Fouesnant, J.A. Salomon de Saint Sernin propose la réalisation d'une rogue de remplacement qui sera composée de farine d'algues déminéralisées de sa composition avec des tourteaux de foies écrasés qui, eux, proviennent d'une usine installée à Quimper et qui fabrique du savon avec de l'huile de poisson. Finalement, il n'y aura pas de suite connue à cette rogue.

Après la seconde guerre mondiale, les déchargements de fûts de rogue vont reprendre pendant quelques années. Puis vient le temps où la bolinche sera utilisée par tous les bateaux qui sont armés à la sardine et la rogue ne servira plus d'appât.

 

Jean-Michel Robert 

 

Documents: Registre des mouvements du port de Concarneau et Musée de la Pêche Concarneau.