Les Chroniques de :  Jean-Michel Robert

Tempête de juillet 1961

Première semaine de juillet 1961, c'est un léger tremblement de terre le long des côtes du Portugal, ressenti  jusqu'au large des côtes nord de l'Espagne et dans le golfe de Gascogne, qui attire l'attention. Les cargos annoncent au large vent calme, mais houle forte de S.W.

 

Dès le 10 juillet 1961, la station du Conquet-Radio dans ses émissions rappelle la situation météo, prévisions de vent fort et de forte houle sur le sud Gascogne. C'est la saison du thon et tous les germoniers espagnols et français sont étalés sur plus de 150 milles dans l'Ouest Gascogne et le long des côtes Nord d'Espagne.

Le mardi 11 juillet, la station du Conquet annonce renforcement rapide et important du vent 8 à 9, mer devenant forte à très  forte, houle de S.W.

Tous les bateaux sont surpris par ce brusque changement de temps. D'Espagne, on annonce déjà de gros dégâts. Au large de Santander, le germonier Maria Lori a chaviré. 16 disparus. Puis c'est le santa Lucia avec six hommes. L'Escudia chavire lui aussi. Quatorze marins sur 15 seront récupérés.

Prés d'Aviles, c'est l'Aguila de Mare qui sombre avec ses 13 marins et c'est aussi leTodolos Santos et le Barriola qui disparaissent. Bon nombre de bateaux se sont mis en cap. Les plus importants dégâts seront sur les petites unités espagnoles.  Le bilan sera terrible, puisque soixante-quatre marins espagnols ont péri dans la tempête.

 Sur la côte Atlantique du sud au nord le vent a soufflé à 135 km/h à Arcachon et La Rochelle, 140 à Belle-Ile et Ouessant. A 100 milles dans le nord du port de Gijon en Espagne, le thonier espagnol Padré Mazareno est surpris en ce mercredi matin 12 juillet par une énorme vague qui vient le coffrer par l'arrière, "Salio de la Nada (venue de nulle par)", dira le patron pêcheur. Le bateau à demi immergé flotte, cale fermée. Il garde encore une certaine flottabilité, tout son matériel de pêche a disparu, la passerelle est défoncée.

Dans les parages le Malamok Commandant levasseur  Immatriculé DZ 3943,mais exploité à partir de Concarneau, va apercevoir le bateau espagnol à demi-immergé et récupérer après des difficultés la totalité de l'équipage. Le Cdt Levasseur fait immédiatement route sur Concarneau ou les marins espagnols vont être accueillis au foyer .

 (Photo Rault- Musée de la Pêche / J.M.R)

Commandant levasseur D Z 3943 Construit en 1957- longueur 23m.

 

Le 14 juillet, la tempête s'est calmée, la mer reste forte, le vent à Arcachon est signalé à 65Km/h. Au large, le Lapérouse CC 3633, un thonier de 23m de l'Armement Aubert-Jan, rentre vers Concarneau avec sa pêche, quand il trouve sur sa route l'épave du Padre Mazarino a demi-immergée et qui présente un fort danger pour la navigation. Les marins bretons réussiront à capeler une remorque sur le Padre et le remorquage va commencer à faible vitesse.

Le dimanche 16 juillet, le convoi fait route et se trouve près de la côte entre Groix et les Glénan quand brusquement la remorque casse. Le thonier espagnol s'enfonce et disparaît. L'épave sera repérée par des fonds de 25m à l'est de la bouée de la basse-jaune au large de l'entrée de l'Aven.

 

Lapérouse C C 3633- 1957 La Rochelle- longueur 23 m.

 

Le vendredi 21 juillet, la tempête des jours précédents s'est éloignée et calmée, mais maintenant c'est une forte brume qui recouvre tout le sud du Golfe de Gascogne, où les germoniers se sont à nouveau regroupés. Près de la pointe de Cogollo au nord des Asturies, c'est la brume "black" comme disent les marins. Le germonier Yvanna CC 3437 de l'armement Le Ny, en ce vendredi en fin de nuit, vient heurter violement par l'avant une roche. En quelques minutes, le bateau va s'enfoncer et le patron Tocquet n'a que le temps  de lancer un appel vers le Conquet Radio et de tirer des fusées rouges. L'équipage a déjà largué le radeau, " on est monté en pagaille dans le bombard", dira le matelot Armand le Doeuf.

 

A quelques encablures derrière l'Yvanna, l'Amiral Decoux  suit la même route et c'est en apercevant les fusées  rouges qu'il change brusquement de cap lui évitant de venir s'empaler sur les mêmes roches.

C'est lui qui récupérera les naufragés de l'Yvanna qui, deux heures plus tard, seront transférés sur le Ker-Tréguier  (le patron est Pierre Sancéau, du même armement) qui fera route vers Concarneau avec les naufragés.

 (Photo O.France)

 Ker Tréguier C C 3739, ici sous immatriculation GV pour bénéficier du droit de pêche à Dakar.

 

 En cette fin de mois de juillet, sur l'ouest de l'atlantique, l'ouragan Anna qualifié de majeur se développe venant frapper les côtes de l'Amérique centrale avec des vents à plus de 200 km/h. De nombreux bateaux sont en difficultés, deux plates-fromes pétrolières sont évacuées.

 

Jean-Michel Robert