Les Chroniques de :  Jacques Le Meur

Duhamel Du Monceau : un "halieute" au siècle des lumières

Dans l'histoire des pêches françaises, il existe un avant et un après Duhamel du Monceau. Stimulé par le vent des Lumières et de l'Encyclopédie, ce touche-à-tout de génie participa à la diffusion et à l'élargissement des connaissances dans les disciplines halieutiques, mais aussi en construction navale, en agronomie, en chimie, en physique, tout en rassemblant diverses techniques à travers son « Traité des arts et métiers ». En ce qui nous concerne, son œuvre maîtresse reste le « Traité général des pêches », dont le musée de la Pêche de Concarneau détient un exemplaire original, ainsi qu'une réédition. 

 

De l'agronomie à la marine

Henri-Louis Duhamel du Monceau naît à Paris en 1700, sous le patronyme simple de Duhamel et meurt dans la même ville en 1782, frappé d'apoplexie, comme l'explique Joseph de Pelet dans un document de l'INRA (dont nous nous inspirons). Son éloge funèbre fut prononcé par Condorcet. Son père, Alexandre, issu d'une famille anoblie, possédait le château de Denainvilliers, où il exploitait un domaine agricole. Ayant acheté le domaine du Monceau en 1727, Henri bénéficie d'une ordonnance royale lui permettant de s'appeler Duhamel du Monceau. Une licence de droit ne l'empêche pas de se tourner spontanément vers l'agronomie. Dans ce registre, son œuvre majeure est un « Traité de la conservation des grains et en particulier du froment ». A l'époque, il fallait protéger greniers et silos de la fermentation et des prédateurs, mammifères, oiseaux et insectes, qui gâchaient les récoltes. Il remarque par exemple que, dans un grenier frais, aéré et sans fermentation, les charançons ne se développent pas. Ce travail à but agricole intéresse aussi la Marine. Le navires détenaient en effet des masses de provisions, légumes et céréales, qu'il fallait empêcher de se gâter.

La santé des équipages

Inspecteur général de la Marine dès 1739, Duhamel s'est intéressé à tout. Il a ainsi créé une école de chirurgie à l'hôpital de Brest et publié un mémoire sur « Les précautions d'hygiène pour conserver la santé aux équipages ». Il préconisait notamment l'installation de systèmes pour ventiler l'intérieur des navires. Dans le domaine naval, il eut à répondre à une demande du ministère relative à une étude « sur les couches ligneuses du bois, concernant la cause de leur excentricité ». Le transport et la conservation du bois lui inspireront un ouvrage pédagogique de pas moins de cinq tomes ! D'autres travaux débouchent, en 1752, sur la rédaction d'un « Traité pratique de la construction de bateaux » et sur la définition de nouveaux profils sur maquettes. A l'époque où l'Angleterre dominait les mers, la France cherchait à améliorer ses technologies navales. 

 

Pêches et poissons

De 1769 à 1782, sont publiés les trois tomes de son « Traité général des pêches et histoire des poissons qu'elles fournissent tant pour la nourriture des hommes que pour plusieurs autres usages qui ont rapport aux arts et au commerce ». Chaque volume est de grand format (dit « encyclopédique ») et passe en revue la biologie d'un maximum d'espèces et les techniques traditionnelles, aussi bien en France qu'à l'étranger. Ces 1500 pages sont illustrées de planches très variées, belles gravures présentant les techniques, les scènes de travail en mer et à terre et, surtout, de saisissantes descriptions de poisson, au réalisme très poussé.

Jacques Le Meur