Les Chroniques de :  Jean-Michel Robert

Le thonier senneur Le Magellan en monnaie d'échange

Dans les années 70, la construction navale française va subir d'importantes modifications. A Saint Malo (35), à la SICCNA, le thonier senneur Fernand de Magellan, en fin de construction, a été livré à ses armateurs. Dans quelques jours, il doit appareiller pour rallier Concarneau, son port d'attache, puis les côtes d'Afrique et les lieux de pêche.

 

Le chantier naval malouin est au bord de la liquidation. Refusant la fermeture de leur entreprise et leur licenciement, les 150 ouvriers vont décider une opération de grande envergure: occuper le thonier senneur qui leur servira de monnaie d'échange. C'est ainsi que le 12 juin 1975, l'équipage déjà à bord est prié de descendre pour laisser la place à un groupe d'occupation. Très organisés, les ouvriers et les syndicats vont se relayer à bord, amarres doublées passerelle levée, garde assurée nuit et jour.

Le patron Jean Gourlaouen et les représentants des syndicats du chantier malouin.

 

Ce sera alors l'un des conflits les plus longs de France. Tous les jours, une dizaine d'hommes va stationner à bord du Magellan. On veille car, même la nuit, des actes de sabotage, notamment sur les aussières d'amarrage, ont été constatées. Dans la journée, on attend la visite de commerçants qui ravitaillent en denrées, les cultivateurs avec des légumes et même les marins pêcheurs. Un grand élan de solidarité vient de s'établir.

Un symbole de l'enterrement des emplois, c'est l'inévitable cercueil traîné lors de toute manifestation contre les licenciements. Amarré sur la rampe arrière du senneur, il sera volé. On saura plus tard que le SAC (service d'action civique) n'était pas étranger à cette disparition. Le 7 février 1977, le Président de la République Giscard d'Estaing est en visite à Dinan (22). Les Magellan vont s'infiltrer dans la foule et se poster au premier rang.

En mars 1977 un protocole est signé  et le chantier repris par les Ateliers et Chantier de la Manche.

Le vendredi 25 mars 1977, le bateau peut appareiller après près de deux ans d'occupation.

Le Fernand Magellan à Concarneau (29)

 

Cette longue occupation va laisser de nombreuses séquelles auprès des manifestants et des familles, avec toute une grande satisfaction: l'emploi sera momentanément maintenu. 

Quinze ans après les évènements de Saint-Malo, le Magellan revient à Concarneau pour une refonte. Le bateau vient d'être vendu à un Armement Vénézuélien à Puerto La Cruz. Il se nomme désormais Don Abel.

Le Don Abel à Concarneau.

 

Jean-Michel Robert