Les Chroniques de :  Jean-Michel Robert

L'origine de l'indicatif radio des bateaux sur la passerelle

La tempête de novembre 1954 a fait des victimes. Via radio Conquet, le président local des pêches, le Commandant Perrier appelle les bateaux encore en mer à s'inquiéter des quatre chalutiers dont les autorités sont sans nouvelles: Alain-Yvon, Tourville, Berceau de Moïse et Perle d'Arvor.

 

A Brest, sous l'autorité du Préfet Maritime, il est envisagé de faire des recherches par les avions français et anglais de l'aéronavale. De Plymouth décolle le catalyna piloté par le sergent Pense et de Lann-Bihoué le Lancaster piloté par le commandant Valette. Le 3 décembre 1954, la Préfecture de Brest capte un message entre l'avion Anglais et sa base: Overdue trawler Alain-Yvon located by 50°49 Nord ads 10°06W speed 6 knts to 250".

 

L'information est immédiatement transmise à l'administrateur de Concarneau et au gérant du chalutier. Mais déjà quelques doutes subsistes, la route au 250, la position, la vitesse alors que les conditions de navigation sont encore très difficiles, le vent souffle à 35 nœuds. La mer est forte.

La presse diffuse la nouvelle : L'Alain-Yvon a été retrouvé. Les Anglais ne confirment pas la nouvelle. Cette pinasse de 19 m coque bois immatriculé CC 3131 appartient à l'armement Furic du Guilvinec, mais est exploitée à Concarneau.

Une certaine confusion existe entre les nouvelles données par l'avion anglais et les autorités. Le bateau repéré a une coque claire, alors que l'Alain-Yvon est noir, sans cheminée, l'immatriculation serait 3731. Il va s'avérer que le bateau repéré était l'Eole de Douarnenez qui fait route au 150 (plus plausible que 250) et qui rentrera au port. L'Alain-Yvon sera déclaré perdu corps et biens.

Les avions ratissent un peu à l'aveuglette des surface énormes d'océan avec des difficultés  telles que celle des fréquences radio-avion / bateaux qui ne sont pas les mêmes. Le cloisonnement civil militaire est encore bien ancré, il faut transiter par une station à terre.

Dès la mi-décembre, l'administrateur en chef de l'inscription maritime Maurel et une commission d'experts seront chargés d'une enquête sur les causes de la disparition des chalutiers, des améliorations à apporter aux moyens de sauvetage, de communications et de la sécurité des équipages à bord.

Un constat s'avère : "Les marins ont une mauvaise habitude. Ils tiennent à garder secret leur position à chaluter jusqu'au dernier moment quelque soit le temps jusqu'à la témérité". (Le préfet Maritime).

18 Juillet 1955, alors que la douleur des familles est encore grande, on va rendre hommage à tous les marins, à l’occasion de la fête de la mer créée en 1946. En cette année1955, elle doit revêtir un caractère exceptionnel.

Le Ministre de la marine marchande Paul Antier se déplace à Concarneau. Il embarque avec les autorités sur l'Iris dont lepatron est René Jaffrézic. La bénédiction se fera au large de la tourelle du Cochon par Monseigneur Fauvel, évêque de Quimper et l'évêque de Tahiti Maze, au moment où le Lancaster de Lann-Bihoué lancera une gerbe de fleurs à la mémoire des marins disparus. C'est aussi la première liaison radio sur la même fréquence avion militaire et  bateau civil.

Le Ministre rappellera les nouvelles dispositions en cours : diffusion de bulletins météo spéciaux et élargissement des zones en cas de renforcement important du vent, surveillance accrue de l'état de navigabilité des bateaux sous le contrôle des inspecteurs de la navigation, embarquement de radeaux de survie (une circulaire de mars 55 avait déjà préconisé cette disposition, ce qui avait amené les marins à faire la grève des radeaux).

En quelques  mots assez fermes, le Ministre rappela "la nécessité absolue de bien former les équipages notamment en améliorant les programmes des écoles de pêche, en intégrant des notions de météo et de manœuvres à faire en cas de mauvais temps."

Les leçons de la tempête de 1930 avec de nouveaux bateaux n'avaient pas été toutes comprises.

 

L'indicatif radio sur la passerelle

Compte tenu des différents cafouillages reconnus pour déterminer l'identité des bateaux par les avions de recherches, dès fin juillet, une expérience va avoir lieu dont le but est de se rendre compte si l'indicatif radio du bateau inscrit en grosses lettres sur le dessus de la passerelle est bien visible par un avion venant de l'arrière du bateau de pêche.

Le 27 juillet 1955, le chalutier Etoile de l'armement Gautier Patron Louis Péron embarque trois panneaux de toile :

-  Un avec des chiffres blancs sur fond orange

- Un avec des chiffres orange sur fond blanc

- Un avec des chiffres luminescents spécialement étudiés par la société Scotchlite.

Au large de Pen-March', le bateau sera survolé à plusieurs reprises par l'avion à des routes et vitesses différentes. Il en résultera la décision suivante par un décret du 17 mars 1956 qui fera obligation  de peindre : "L'Indicatif radio en lettres rouges ou orange sur fond blanc, au dessus d'une superstructure de telle manière qu'il puisse être lu par un observateur aérien suivant une route parallèle à celle du navire et de même sens".

 

Mis à part quelques modifications techniques, ces dispositions sont toujours  appliquées.

De plus, tous les armements devront fournir au service de sécurité de l'I.M. une photo couleur de chaque chalutier, de profil, vu de bâbord ou tribord et sur laquelle on doit distinguer nettement l'immatriculation sur la coque (Le règlement très précis sur les normes à adopter n'est pas toujours respecté suivant la configuration de l'emplacement).

Jean-Michel Robert